Un sens pour l'histoire
Cette
désincarnation est une nécessité pour la rationalisation économique qui ne veut
considérer que des formes abstraites permettant un calcul, une modélisation qui
assure un moindre risque pour le marché.
L'économie
de marché est un non-sens dans les termes. Il n'y a d'économie que de marché.
Le capitalisme est, au tournant des XIIIème-XIVème siècle, l'avènement d'outils
comptables et de pratiques monétaires et financières qui vont organiser des
méthodes de contournement du marché. C'est à dire à manipuler les contraintes
(manque/ abondance d'offre/demande de produits) pour maximiser les profits.
Celà
existait depuis longtemps mais prend une ampleur nouvelle dans un basculement
de valeurs que Fernand Braudel a bien mis en valeur.
L'économie
capitaliste de marché est donc tout sauf une prise de risque. Elle se veut la
minimisation des risques pour une maximisation des profits. L'ultra
libéralisme, mal nommé, n'est que l'aboutissement actuel d'une logique de
concentration du capital et de nécessité perpétuelle de diminution des risques
et des coûts. Pour faire un parallèle informatique à l'heure de l'économie de
la connaissance et de l'information, le capitalisme est le système embolique
qui multiplie l'occupation du gigantesque disque dur qu'est notre planète.
Gigantesque mais limité...
Certes ce
système défragmente la planète de façon permanente, ce qui peut maintenir une
illusion, ou tout du moins un flou, une incertitude. Mais son épanouissement
est exponentiel, et l'illusion elle-même n'est plus possible, sauf à vouloir
jouer à l'autruche.
Revenons
donc au sens de l'histoire. Faut-il être Hégélien ? Marxien ?
Les données
de fond ont-elles changé depuis le début du XIXème siècle ? Je ne le crois
pas.
S'il n'est
pas question de faire de rejouer la partition positiviste du progrès. Si cet
aspect des lumières était une très compréhensible illusion de l'espérance à l’époque,
vestige de la foi se métamorphosant alors… L'histoire a pourtant bien un sens,
ni positif, ni négatif. Une simple évolution, le mouvement d’une boule aveugle
qui avance, mais jamais ne recule.
Ce n'est
que sur cette dimension de l'humanité que se construit l'alternative qui émerge
actuellement. Non pas d'un cerveau, ni même de quelques uns comme aimerait
pouvoir l'appréhender l'habitude occidentale, et presque humaine, de la
puissance individuelle.
Il faut
comprendre pour cela le poids de la démographie dans toute évolution sociale ou
de civilisation… et de la baisse à venir de la population mondiale.
Nous allons
vers plus d'autonomie individuelle, de la communauté, de la coopération,
l'atténuation de la compétition, de la concurrence. Ce qui n'est pas un retour
au communisme pour boucler la boucle comme le croyait Marx, mais une forme de
gemeinschaft dont une mesure, un équilibre, entre la participation choisi et la
soumission à des contraintes nécessaires sera acceptée comme juste et
équitable. Mais le chemin est long et la route est dangereuse.
Plus de 90
% de la planète n'est pas encore en mesure de l'identifier. Plus grave,
celle-ci est très difficile d'accès, mentalement, à ceux qui prennent peu ou
prou les décisions qui organisent la vie matérielle de la planète. Leurs
intérêts étant le plus souvent la seule mesure d'intelligibilité du monde
acquise dans leur formation même (cf. reproduction). Il n'est donc pas
impossible que notre espèce ne survive pas à une forme 'évoluée' de
surpâturage...
J'avoue
être sceptique sur ce point. Et ce n'est que dans ce cadre qu'il s'agit de se
bouger un peu pour tenter d'accélérer le mouvement, tout au moins de ce passage
périlleux...
Même si
cela n'est à faire que pour nos enfants, voire petits enfants, et pour le long
voyage auquel notre espèce rêve depuis que les étoiles se sont mises en
mouvement dans ses yeux.